Plat dalgues
06 09 2017

Pourquoi consommer des algues ?

Algues
Environnement
bienetre
Vegan

Henri Courtois est un aventurier de la mer qui a très tôt senti le potentiel nutritionnel et environnemental des algues. A une époque où personne ne songeait véritablement à les glisser dans une assiette, il s’est battu pour les faire reconnaître auprès de ses meilleurs représentants, les chefs. Il crée la société Bord à bord qui aujourd’hui démocratise la consommation des algues bretonne fraiches ou en tartares. Rencontre avec un homme de foi.


Ca veut dire quoi produire des algues ?

Henri Courtois : Il y a deux manières de produire des algues. Il y a le métier de cueilleur et celui de cultivateur de la mer, l’algoculteur. C’est l’amont de la filière. Moi, je me situe ensuite, en terme de transformateur. Je reçois les algues que nous allons ensuite laver et transformer en produits prêts à consommer. Même si au sein de notre société nous avons deux pêcheurs à pied, le gros de notre approvisionnement se fait auprès de professionnels externes. Ici, au Nord Finistère se trouvent les champs d’algues les plus importants de la région. La Bretagne demeurant la première productrice d’algues en France. Le Finistère Nord est un petit bijou en terme de diversité et de biomasse disponible. Rien que sur Roscoff il existe plus de 600 espèces d’algues différentes.

Henri Courtois


Sur ces 600 espèces d’algues différentes, vous avez choisi d’en travailler seulement 1%. Pourquoi ?

Il y a une liste autorisée d’une douzaine d’algues pour la consommation humaine. Sur cette liste nous avons décidé de nous intéresser à des algues brunes : la Kombu royale (saccharina latissima), la wakamé (Undaria pinnatifida), le spaghetti de mer ou haricot de mer (Himanthalia elongat), ensuite deux algues rouges : la Nori (Porphyra umbilicalis) et la Dulse (Palmaria palmata) ; et une algue verte : la laitue de mer (Ulva lactuca).


Combien de tonnage d’algues péchez-vous chaque année aujourd’hui ?

Plus de 250 tonnes d’algues vont passer dans les bains avant d’être transformées.


Il y a des variétés plus importantes que d’autres ?

Oui, la Nori, par exemple est une algue rare. Son tonnage est infime et il n’y en a jamais assez. A contrario les plus récoltées vont être la laitue de mer ou la dulse qui sont des algues fines faciles à goûter. Parmi les algues plus iodées et charnues, le spaghetti de mer se vend bien, mais le Kombu royal est moins plébiscité.


Pour vous le sol marin est aussi riche que la terre ?

L’algue se fixe à la roche ou à un caillou, mais ce ne sont jamais des racines. C’est la mer qui est nourricière mais pas le sol. Et si nous avons une telle diversité en algue c’est que la mer apporte, au même titre que le sol, beaucoup de nutriments. Son biotop est donc effectivement largement aussi intéressant que celui de la terre.


Si l’on considère l’étendue de cette offre de macroalgues. Pourquoi vous résumez-vous seulement à six variétés ?

C’est un aliment de consommation non traditionnel. Ca veut tout simplement dire que nous n’avons pas l’habitude de les consommer. Pour qu’elles soient considérées comme aliment traditionnel, il faut un certain recul et de nombreuses pédagogies et autorisations. On le voit au travers de la cuisine. Beaucoup de gens ne savent pas comment faire. Nous les transformons pour les rendre plus simples à l’emploi.


Vous vous sentez soutenu par les autorités compétentes aujourd’hui ? Y’a-t-il une conscience que nous sommes face à un aliment durable ?

La région Bretagne est un acteur important dans le soutien de cette profession en s’appuyant sur des programmes européens qui prônent beaucoup le développement de l’aquaculture. Notre volonté aujourd’hui, c’est de motiver les pouvoirs publiques car il reste encore un gros travail à faire pour obtenir une filière qui puisse assurer sereinement son développement. Nous avons un modèle basé sur la collecte d’algues sauvages autour de l’algoculture. Avec le développement du marché, la ressource est en train d’atteindre ses limites.

Smoothie vert aux algues

Donc l’aliment durable ne le serait pas tant que cela ?

Il y a effectivement un risque et il s’intensifie au fur et à mesure que les relais n’arrivent pas. Il y a deux endroits possibles de culture d’algues, la culture en mer (plus favorablement pour les grandes algues brunes) et certaines algues plus petites pourraient développer un modèle économique plus propice sur terre, c’est-à-dire en bassin artificiels avec circuit fermé de pompage d’eau de mer. Il y a un gros travail à faire sur l’ensemble du territoire pour démontrer qu’il y a un impact bénéfique pour l’environnement en créant des lieux d’aquaculture sans pour autant nuire à l’impact visuel important pour le tourisme. Certes des fermes pilotes sont en train de voir le jour, mais à quel endroit du littoral pourront-elles s’installer.


Comment va-t-on utiliser les algues ?

J’aime le terme de condiment. Il induit déjà l’idée d’une quantité d’algues à introduire dans un plat. Certains décideront d’en manger plus et d’autres non. Tout le monde n’a pas le même attrait pour ces saveurs marines. Le tartare d’algue est une préparation cuisinée et marinée qui comprend 30% d’algues. On va le mettre sur un poisson, avec des légumes ou une viande. C’est une utilisation facile qui permet de découvrir les algues. Si l’on veut cuisiner, on va prendre, par exemple une barquette de 250 g d’algues que l’on va mélanger à ses légumes dans une tourte, après les avoir émincés. 


L’algue se consomme à tous moments du repas ?

Elles accompagnent tous les plats jusqu’à la viande rouge. C’est aussi délicieux avec le fromage. Un fromage de chèvre sans algue, ce n’est pas un fromage de chèvre (rire). Et elle peut se consommer jusqu’au dessert. J’ai débuté avec un chef qui faisait des choux à la crème à la fleur d’oranger et aux épices de la mer. Il mettait des paillettes d’algues dans sa pâte à choux. Dans ce cas, le dosage devient beaucoup plus pointu. J’ai même gouté des cocktails avec des feuilles de laitues de mer.


Vaut-il mieux utiliser des algues fraiches ou séchées ?

Ce n’est pas la même utilisation. L’algue séchée est particulièrement intéressante en paillette. Elles permettent de saupoudrer un plat. On les utilise comme des épices et c’est comme ça que j’invite chacun à débuter la cuisine aux algues. Une algue fraiche qui a été travaillée au sel sera toujours plus attendrie. Il faudra la dessaler par un un ou deux bains d’eau selon les variétés. Elle peut alors être émincée comme des fines herbes ou être utiliser comme une papillote que vous mangerez, par exemple. 


Que ce soit fraiche au sel ou en tartare, c’est un produit qui se conserve longtemps ?

L’algue juste récoltée se conserve comme un poisson. Il faut la stabiliser. Nous nous donnons 24h pour opérer le traitement de nos algues. Nous utilisons un sel blanc biologique de Camargue pour les stabiliser (le sel gris de Guérande contient de l’argile qui pourrait altérer leurs couleurs). Elle peuvent ainsi se conserver, selon les variétés jusqu’ à un an. L’algue déshydratée se conserve encore plus longtemps à condition qu’elle ne soit pas en présence d’humidité. Un pot de tartare ouvert est préservé par sa recette à l’huile d’olive car l’algue n’est pas chauffée. Nous conseillons, sur nos emballages, 3 semaines car nous nous assurons une très grande prudence.


Interview réalisée par Florent Lamiaux

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http://www.bord-a-bord.fr

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