Jérémy Roy : Le cyclisme sans gluten
« L’alimentation, c’est notre carburant numéro 1 »
Champion cycliste membre du FDJ, Jérémy Roy s’offre un beau palmarès avec une seconde place au championnat de France contre la montre en 2013 et au Chrono des Nations-Les Herbiers-Vendée en 2014. Collaborant avec le champion Thibaut Pinot (troisième du Tour de France 2013), c’est un sportif passionné d’alimentation qui a supprimé le gluten et le lactose de son régime alimentaire. Sortie de peloton pour une rencontre au sommet.
Qu’est-ce qui est le plus difficile dans ce sport ?
L’effort en lui-même. Il faut se battre contre soi-même, contre ses concurrents, faire sa place et savoir s’imposer. Nous sommes souvent partis, donc éloignés de nos familles et de nos proches. Et puis, depuis les affaires de dopage, l’univers du cyclisme a beaucoup de mal à redorer son blason. Heureusement, beaucoup de choses ont changé et ce sport se porte bien mieux, mais dans l’esprit des gens c’est encore sulfureux. La lutte antidopage, comme avec la géolocalisation qui permet des contrôles totalement aléatoires sans contrainte d’heure, de jour et de lieu, est très active. Mais cela peut arriver un samedi soir alors que l’on passe une soirée entre amis.
Lorsque l’on parle de performances sportives, et peut-être plus dans le cadre du cyclisme, on imagine que l’alimentation est très importante…
C’est primordial. L’alimentation, c’est notre carburant numéro 1. Il est très important de veiller à bien se nourrir. Il y a des stratégies alimentaires à mettre en place en fonction de certains objectifs ou de certaines épreuves.
C’est quoi une « stratégie alimentaire », pour vous ?
Cela peut être un mini régime sans fibres, qui va limiter le travail de l’intestin, pour les épreuves contre la montre, ou un régime hypoglucidique et un entraînement poussé pendant trois ou quatre jours avant une épreuve de très longue distance, pour vider ses réserves énergétiques, puis beaucoup de glucides durant l’épreuve. Au niveau des temps de récupération, il est important aussi d’avoir les bonnes doses de glucides, de lipides et de protéines. Ensuite, c’est une harmonie globale à avoir en générale par le biais d’une alimentation équilibrée. Beaucoup de gens font la chasse aux lipides, mais ils sont très importants, à l’image des oméga-3.
Cela laisse entendre que les sportifs de haut niveau doivent avoir une connaissance assez technique de la nutrition ?
Ce serait mieux. Pour ma part, je m’y intéresse depuis longtemps. Les équipes commencent à mettre en place un suivi un peu plus régulier, avec des intervenants qui viennent les conseiller. Le reste du temps nous sommes en famille et il est important de ne pas faire n’importe quoi et de veiller à avoir un suivi homogène.
Vous laissez entendre que les stratégies alimentaires liées aux compétitions ont évolué. Cela fait partie des choses qui ont changé ?
Beaucoup d’études ont démontré que le corps humain ne peut pas assimiler beaucoup de glucides dans un temps donné. Alors les boissons d’effort ont été composées avec d’autres types de glucides, comme les maltodextrines, qui dégagent des capteurs sur le plan intestinal en complément des glucides. Ces boissons deviennent des boissons de « longue durée », une évolution suivie par les marques de diététique.
À partir de quand l’alimentation est devenue importante pour vous ?
Depuis que je suis junior, depuis mes 17 ans. Cela a toujours été important pour moi. Mes grands-parents étaient paysans et mes parents ont su garder une attache à la terre. Nous consommions souvent les cultures de mes grands-parents ou des volailles produites dans mon village. C’étaient des circuits courts mais il n’y avait pas une pédagogie alimentaire particulière.
Vous avez retiré le gluten de votre alimentation, pourquoi ?
J’enchaînais des petites fatigues chroniques, de l’irritabilité et des douleurs musculaires. On m’a décelé une petite perméabilité intestinale. Le lactose (à cause de sa caséine) et le gluten sont deux protéines qui inflammaient mon intestin. J’ai arrêté les deux il y a plus d’un an. Mes petits symptômes ont cessé assez radicalement, en quinze jours. Ensuite, je me suis informé. Lorsque j’ai vu l’évolution de l’ADN du blé sur les quatre-vingts dernières années et la multiplication des chromosomes, je me suis posé beaucoup de questions sur ce lobby et sur la « logique » de cette multiplication à l’encontre de la nature. J’ai éliminé le pain de mon alimentation et je ne vais pas forcément en faire sans gluten. Je me suis habitué à ne plus en consommer. Aujourd’hui j’ai refait un test qui me donne le droit de reprendre du gluten, mais je me suis habitué et ça me va très bien.
Vous avez été élu en 2011 « coureur le plus combatif du Tour de France ». Abordez-vous l’alimentation de la même manière que le Tour ?
On peut le voir comme ça (rires). Mon arrêt du gluten et du lait était lié à un bilan, mais c’était dans une optique de bien-être. Maintenant, il est vrai que j’avais un objectif à atteindre. Le sportif a la réputation d’être acharné face à l’objectif, malgré les aléas du quotidien. Le propre du sportif c’est de trouver la stratégie pour atteindre son objectif et de rebondir très facilement. C’est vrai qu’avec l’arrêt du gluten j’ai rebondi très facilement !
Cela veut-il dire que lorsque l’on a un objectif, on a moins de frustrations ?
Un objectif s’intègre, se visualise, et c’est important pour y arriver. Une personne qui suit un régime en étant contrainte, forcée ou sans conviction a très peu de chances que ça réussisse.
Interview réalisée par Florent Lamiaux
