Plantes 2048
26 09 2018

La nature lutte contre nos douleurs

nature
plantes
santé

L’Homme le sait depuis la nuit des temps, la nature possède les antidotes à toutes nos douleurs (ou presque). Le docteur en chimie et professeur honoraire des universités de Genève, Lausanne, Nanjing, Shandong et de l’Académie chinoise des sciences de Shanghai, Kurt Hostettmann, s’est penché sur le sujet pour répertorier les plantes qui s’attaquent à nos petits bobos à travers un livre, Les plantes antidouleur.


Peut-on dire que les plantes ont été, dans l’histoire de l’humanité, les premiers paravents à la douleur ?

Dr Kurt Hostettmann : Effectivement. La première plante connue en Mésopotamie par les Sumériens, puis citée ensuite pas les Assyriens, c’est la capsule de pavot, somnifère qui a livré plus tard la morphine. Le pavot était la première plante utilisée pour calmer la douleur. Dans les années 1820 nous avons isolé la morphine. L’industrie chimique en a fait des dérivés ; c’est devenu un des plus puissants antidouleurs qui existe. La deuxième plante qui a été utilisée, c’est le saule. Hippocrate donnait aux femmes de l’écorce de saule à mâcher avant et durant leur accouchement. Quant aux Amérindiens, ils utilisaient le saule pour diminuer la fièvre et calmer la douleur. Les premiers Européens qui sont arrivés sur le sol amérindien l’ont constaté. En Bavière, dans les années 1850, nous avons isolé l’acide salicylique du saule, qui a ensuite été modifié en acide acétylsalicylique et nommé « aspirine », pour le vendre plus facilement. Les scientifiques ont aussi trouvé une autre plante riche en acide salicylique, plus encore que le saule, utilisée depuis les Romains : la reine-des-prés, que l’on nomme aussi « spirée ». « Aspirine » signifie « sans spirée », pour bien montrer son aspect synthétique.


Pourquoi ne pourrions-nous pas nous soigner juste avec des plantes, comme le faisaient nos ancêtres ?

J’avoue n’avoir jamais réfléchi à cette question. (rires) Certaines plantes sont toxiques, mais nous pouvons les utiliser dans la fabrication de médicaments en extrayant une certaine substance chimique. Nos ancêtres ont appris à leurs dépens à distinguer, au cours des siècles, les plantes toxiques. Si nous prenons en exemple l’if, il est très toxique, mais une équipe franco-américaine a découvert une substance, le taxol, qui, extraite de la plante et dosée de manière extrêmement précise (car sa marge thérapeutique est très étroite), est certainement, à l’heure actuelle le meilleur médicament pour lutter contre les cancers gynécologiques. Des milliers de femmes, dans le monde, doivent leur survie à cette molécule. Par contre, vous pourriez tuer quelqu’un avec une infusion d’if. La digitale, que l’on utilisait autrefois, ne peut pas être utilisée en infusion ni même en teinture. Elle contient pourtant une molécule qui agit contre l’insuffisance cardiaque. Elle ne peut être efficace que grâce à la chimie. Nous ne sommes plus dans la phytothérapie, mais dans la chimiothérapie. Donc nous nous apercevons bien que les deux sont complémentaires. Toutefois, aujourd’hui, il y a une forme de retour en arrière qui fait que l’on trouve en pharmacie des gélules d’extrait de saule, qui fonctionnent aussi bien que l’aspirine et avec certainement moins d’effets secondaires, notamment au niveau de l’estomac.

les plantes qui soignent


Ce que vous nous dites, en substance, c’est que la nature nous apporte tout, mais peut aussi nous tuer. Cela veut dire qu’on ne peut pas avoir une démarche angélique lorsque l’on parle de se soigner ?

L’homme croit de manière générale que tout ce qui est naturel est forcément bon, alors que les toxines les plus puissantes sont aussi dans la nature.


Comment va-t-on faire si l’on cherche une approche plus naturelle de sa santé ?

Il faut avant tout s’y intéresser et lire la littérature qui s’y réfère. J’enseigne aussi en Chine. Il y a quelques années, il y a eu une épidémie de grippe, la H1N1. En France ou en Suisse, nous avons fait des millions de vaccins. En Chine, il n’y a pas eu de vaccins, mais les autorités ont incité les gens à consommer du gingembre afin d’augmenter l’immunité du corps, pour qu’il se défende tout seul. Autre exemple : celui d’une plante qui s’appelle l’aronia. C’est une plante qui ressemble au cassis et qui est très à la mode. Elle contient quatre fois plus d’antioxydants que le cassis et il a été démontré que cette plante permettrait de réduire le taux de mauvais cholestérol, alors que les laboratoires prescrivent un produit synthétique appelé statines, dont les effets secondaires sont très nombreux.


Une autre plante très intéressante, selon vous, est le curcuma…

C’est une plante que j’aime beaucoup et qui appartient à la famille du gingembre. Beaucoup d’études ont comparé des plantes avec le diclofénac, qui a donné un médicament plus connu, le Voltarène®. Le curcuma a prouvé une plus grande efficacité que le médicament chimique, sans aucun effet secondaire (ce qui n’est pas le cas du Voltarène®). Je constate que beaucoup de médecins, aujourd’hui, peut-être sous la pression de leurs patients, retournent vers les médicaments à base de plantes. Cette vague peut être dangereuse si les gens oublient que les plantes peuvent avoir des effets négatifs très graves ou avoir des interactions avec la prise d’autres traitements.


Peut-on imaginer guérir en cuisinant ces plantes thérapeutiques ?

Je n’aime pas le mot « guérir », nous dirons plutôt « soulager ». Si vous mangez du curcuma tous les jours, vous pouvez aussi prévenir la maladie d’Alzheimer. J’ai travaillé des années sur cette maladie. Je pense qu’il est possible de ralentir la progression de la maladie par le biais de l’alimentation. La myrtille, le romarin ou le cassis sont aussi de bons aliments.

plantes soin


Le piment de Cayenne, selon vous, facilite les douleurs liées à l’arthrose…

Oui, mais en usage externe. Vous pouvez faire des cataplasmes avec de la poudre de piment de Cayenne et un excipient. Cela provoquera un échauffement local qui soulagera la douleur.


La noix de muscade que l’on râpe sur les plats est recommandée pour la digestion et l’élimination des parasites intestinaux…

Complètement, mais il faut faire attention, car il existe un effet stupéfiant avec la noix de muscade lorsque l’on en consomme de trop grandes quantités ! Parfois, les enfants qui veulent aider en cuisine peuvent se « shooter » rien qu’en inhalant les huiles essentielles qui s’en dégagent.


La sauge est aussi une autre plante que vous mettez en avant…

« Salvia », l’autre nom de la sauge, vient du terme « sauver ». Une école de médecine célèbre à Salerne, en Italie, au Moyen Âge, disait : « Qui a une sauge dans son jardin n’a pas de médecin » ou encore « Comment peut mourir un homme qui a de la sauge dans son jardin ? » C’était bien sûr très exagéré. (rires) La sauge permet une très bonne digestion et, en tisane très concentrée ou par le biais de gargarismes, c’est une bonne manière de lutter contre les maux de gorge. C’est aussi un soutien aux femmes souffrant de problèmes de ménopause, car elle contient un peu de phyto-œstrogènes. Et puis la sauge, au même titre que le romarin, est intéressante pour lutter contre la maladie d’Alzheimer.


Justement, le romarin aurait aussi des vertus pour notre mémoire…

Les Grecs utilisaient le romarin pour des problèmes hépatiques, mais, surtout, ils le frottaient contre la tempe de leurs enfants pour les rendre plus intelligents. Shakespeare fait dire à Ophélie, dans Hamlet, à l’acte IV : « Le romarin, c’est pour se souvenir. » Une université de médecine anglaise a voulu savoir s’il avait raison. Ils ont diffusé de l’huile essentielle de romarin dans des cabines et ont procédé à une prise de sang à l’issue de l’expérience pour déterminer la teneur en principes actifs de la plante. Puis ils ont soumis des étudiants cobayes à des tests neurocognitifs (aptitude et intelligence). Ils en ont conclu qu’avec le romarin dans le sang les réactions d’« intelligence » étaient de meilleure qualité.


Interview réalisée par Florent Lamiaux

+ Les plantes antidouleur du Dr Kurt Hostettmann (Éditions Favre)

Tumblrhd 238dcffbe74b63deea20964786f51259e43405c9cf5dfd0b1ed52cbf981b4c11Pinterest square edd4fedd3e079cfd6765dda04ff0bfa62789195b2c6534a31c7d949fc0e2ef5bFacebook square 2691a41c103a52e778e64208b2498dcf9c878e63fa60229bd121e33a168f3ec3Mail square 342a9b94755333d36b33ae1be9969abf0f56015f4e663ef4a88dcd5095a4ab39Print square 036eb7653b7ca8e5943fd2525f6f3dcc11d0d8576629c4f1d7d205c6459e43deFbcom square 85e28d7258e45ca7b0250aaaf513e345fbf290e79536fef75f8ca5309e9ad34c